Des compléments alimentaires à ne pas prendre à la légère

Les sportifs de haut niveau peuvent être amenés à consommer des compléments alimentaires pour compenser certaines carences ou bénéficier d’un apport spécifique et pratique de nutriments lorsque les apports alimentaires ne peuvent pas être couverts de manière appropriée. Compte tenu des risques pour la santé et pour éviter toute forme de contamination conduisant à un contrôle antidopage positif, l’accompagnement prodigué par l’INSEP doit être privilégié.

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En sport de haut niveau, comme dans n’importe quel domaine d’ailleurs, mieux vaut savoir de quoi on parle et surtout ce qu’on prend. Les compléments alimentaires, tout le monde pense avoir une idée précise sur la question, malgré un manque de certitudes et souvent d’informations. Même les experts sont obligés de s’y reprendre à deux fois avant de trouver la bonne définition. Selon la Direction générale de l’Alimentation du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, les compléments alimentaires sont « des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses. » Qu’ils prennent l’aspect de barres, gels, confiseries, boissons, substituts de repas liquides, aliments enrichis, voire de produits à base de plantes ou multi-ingrédients, les compléments alimentaires sont loin d’être des produits anodins compte tenu de leurs caractéristiques et des usages qu’en font les utilisateurs, notamment dans le sport de haute performance.Les sportifs de haut niveau se tournent généralement vers les compléments alimentaires dans l’idée de faciliter leur récupération, développer leur masse musculaire ou réduire leur masse grasse voire pour optimiser leurs performances en pensant que l’alimentation courante ne leur permettrait pas d’atteindre leurs objectifs. Certains évoquent également l’envie de se maintenir en bonne santé, de booster leur système immunitaire ou encore d’améliorer leur humeur. Or, comme le rappelle Eve Tiollier, chercheur en nutrition du sport au laboratoire SEP et responsable de la mission nutrition de l’INSEP, « de nombreux minéraux, vitamines, acides aminés et acides gras essentiels que les sportifs pensent trouver dans les compléments alimentaires peuvent être déjà quotidiennement présents dans leur assiette, sous réserve qu’ils consomment une variété d’aliments de qualités, de préférence bruts et non-transformés. Lorsqu’ils sont apportés par l’alimentation, ces micronutriments conservent leur matrice naturelle, ce qui permet une synergie entre les différents composants de l’aliment et favorise ainsi une meilleure biodisponibilité et une utilisation optimale par l’organisme. C’est la raison pour laquelle une personne obtiendra beaucoup plus de bénéfices à soigner son alimentation que de la négliger et de compenser par des compléments » Avec cet équilibre alimentaire, les bénéfices ne sont certes pas immédiats, mais plutôt visibles à l’échelle de la saison : moins de blessures, meilleure capacité à récupérer, meilleure régularité dans les résultats. Autant d’éléments qui contribuent à une progression dans la performance sur le long terme. Les études scientifiques montrent d’ailleurs que, pour une grande majorité d’entre eux (plus de 70 %), les athlètes atteignent les apports recommandés en vitamines et minéraux importants pour la santé et la performance (fer, cuivre, manganèse, sélénium, zinc, vitamines A, B6, B12, C et E…) en mangeant régulièrement des aliments variés, tels que les légumes, les fruits, les produits céréaliers, les légumineuses (pois chiche, lentilles, haricots rouge …), les graines, la volaille, les poissons, les œufs, les produits laitiers et les graisses de qualité.

 

Compléter sans se substituer

Comme leur nom l’indique, les compléments alimentaires doivent donc à de rares occasions servir à compléter le régime alimentaire quotidien, sans jamais s’y substituer. « La prise de complément ne doit pas en effet être destinée à compenser une mauvaise alimentation, confirme Véronique Rousseau, diététicienne nutritionniste du Sport au sein du pôle performance de l’INSEP. En revanche, des suppléments nutritionnels ciblés peuvent être nécessaires dans certaines situations particulières, quand un besoin spécifique est démontré, et à condition aussi qu’ils soient utilisés dans le cadre d’un protocole spécifique. » Un complément peut constituer une solution bénéfique à court terme, toujours associée à une solution diététique durable, quand les besoins énergétiques ou les choix alimentaires sont réduits, par exemple lors d’un stage ou une compétition dans un pays où l’offre alimentaire est limitée, ou dans certains contextes (haute altitude, ambiance chaude). Des compléments et/ou des suppléments peuvent aussi être recommandés pour pallier des situations de restriction alimentaire, en particulier lorsque les sportifs limitent leurs apports pour satisfaire leurs objectifs de perte de poids, ou pour corriger une carence avérée et prouvée par un bilan nutritionnel. « Un sportif peut présenter un déficit particulier, lié à son métabolisme ou à la suite d’un régime, note Eve Tiollier. Comme pour l’ensemble de la population, les apports en magnésium et en vitamine D sont très souvent insuffisants dans le haut niveau. Des déficiences en fer sont aussi fréquemment observées. Le complément permet d’apporter une quantité de micronutriment qu’il est impossible de trouver dans une portion normale d’alimentation. Mais attention, un excès de ces composés peut aussi être néfaste. Il convient donc de ne pas prendre de compléments à l’aveugle, mais de le faire dans un cadre médical qui permettra d’une part d’objectiver le déficit et d’autre part d’essayer d’en comprendre l’origine (manque d’apport, mauvaise absorption, surutilisation par l’organisme…) afin de proposer les stratégies permettant d’y remédier, lesquelles pourront inclure la prise d’un complément adapté. » Le recours à des compléments alimentaires intervient également parfois essentiellement pour des questions de praticité et de rapidité d’absorption. « Pour optimiser la récupération, on recommande par exemple de prendre un vrai repas dans l’heure qui suit l’entraînement, explique Véronique Rousseau. Mais lorsque ce n’est pas possible pour des questions logistiques, ou parce que les délais de digestion doivent être réduits pour enchaîner les efforts, l’une des alternatives est alors de prendre des glucides associés à des poudres de protéines normées EN 17444 (la norme européenne qui permet de limiter les risques de contrôle dopage positif, voir par ailleurs) en post entrainement et des glucides normées EN 17444 seuls entre deux efforts. Mais encore une fois, même dans un but de facilitation de la prise alimentaire, les compléments ne doivent représenter qu’une petite partie de la stratégie nutritionnelle de l’athlète et surtout leur utilisation doit être encadrée, avec une analyse détaillée des avantages et effets nocifs éventuels effectuée au préalable. » Car non seulement l’apport d’un complément en macro et micronutriments chez un sportif qui ne présente pas de déficit n’améliore pas la performance, mais nombre d’entre eux peuvent contenir des ingrédients qui n’ont pas d’efficacité ou une efficacité limitée, voire même entrainer des effets délétères. Selon la Déclaration de consensus du CIO sur le sujet, seuls quelques-uns parmi lesquels la caféine, la créatine, le nitrate, le bicarbonate de sodium et des substances tampons spécifiques auraient des avantages avérés. Les effets ergogéniques de la caféine par exemple, avec une augmentation de la vigilance, une diminution de l’effort perçu pendant l’exercice et une meilleure résistance à la charge d’entrainement, ont été régulièrement démontrés (voir INSEP le mag n°43).

 

Des produits pertinents, normés et adaptés à l’INSEP

L’accompagnement proposé par l’INSEP va permettre aux sportifs de disposer au sein de l’établissement et dans chaque pôle de produits pertinents, normés et adaptés à leurs besoins et leurs disciplines. « Des conseils leur sont aussi prodigués pour savoir comment et quand les utiliser de manière appropriée, pendant l’entraînement ou la compétition, sachant qu’un complément peut présenter un intérêt dans certaines situations, notamment en matière de santé, et aucun dans d’autres, reconnait Véronique Rousseau. Nous allons donc faire du sur-mesure après avoir réalisé un bilan nutritionnel et en tenant compte de différents paramètres : discipline, niveau, intensité, type d’exercice, objectif... Avec toujours en tête de donner la priorité à l’alimentation courante. La matrice d’un aliment met en lumière son véritable pouvoir, souvent sous-estimé. Est-ce qu’un complément est vraiment indispensable alors qu’un skyr ou un jus de raisin le seraient tout autant ? » Le suivi de l’INSEP va également permettre d’éviter les mésusages, comme par exemple les cumuls de consommation et les interactions potentielles avec d’autres produits (médicaments), de vérifier d’éventuels effets secondaires délétères, mais aussi et surtout de réduire les risques de contamination pouvant conduire à un test anti-dopage positif. « Il faut être clair, le risque zéro n’existe pas, précise Eve Tiollier. De simples vitamines à la pharmacie, des plantes ou une tisane amincissante sont susceptibles de contenir des substances interdites. Un sportif de haut niveau est responsable de ce qu’il ingère. D’où l’importance d’être accompagné, car il peut être difficile pour un non-initié de s’y retrouver dans la jungle des compléments alimentaires. » L’INSEP fournit et/ou oriente les sportifs vers une gamme de compléments répondant à la norme AFNOR NF EN 17444, la seule qui spécifie un cadre de bonnes pratiques pour les fabricants afin d’empêcher la présence de substances interdites, sans pour autant en garantir l’absence totale. D’ailleurs, les cas de contamination des compléments alimentaires par des substances nocives existent et se sont même multipliés ces dernières années, sans oublier des défauts d’étiquetage qui subsistent. D’où l’importance d’un usage raisonné de ces produits tout en privilégiant les moyens naturels. La stratégie d’accompagnement nutritionnel mise en œuvre à l’INSEP permet dans ce cadre de répondre aux demandes des sportifs et de sensibiliser les athlètes, les entraîneurs, les préparateurs physiques à l’importance d’une alimentation équilibrée, variée et adaptée à chaque individu et à sa pratique pour être performant au plus haut niveau.